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Retro Gaming : pour ou contre
l'Abandonware ? 08/03/2002
19:23:00 Les vieux jeux entament une
seconde carrière sur Internet, à défaut de ne plus
être disponibles en magasins. Grâce aux émulateurs
et à la compatibilité du PC, il est possible de
rejouer aux meilleurs jeux vidéos de l'histoire,
gratuitement ! Évidemment, ce n'est pas du goût
des éditeurs… Par : Dubz
Software, Freeware et
Shareware sont des modes de distribution réglementés pour les
programmes informatiques, qu'ils soient professionnels ou
ludiques. Il en existe un pourtant autour duquel subsiste
encore un vide juridique : l'Abandonware. Sous ce
terme se cachent en fait tous les logiciels qui ne sont plus
commercialisés ou dont le tirage est épuisé… Par simple
déduction, il n'est donc – en théorie – plus possible de se
les procurer en les achetant. Certains jugent alors que, passé
un délai de 5 ans, les jeux ne sont plus rentables (ou
épuisés) pour l'éditeur et que ces programmes, autrefois
au top de la technologie, peuvent désormais tomber dans le
domaine public. Grâce à l'essor d'Internet, les roms (ou
fichiers correspondant aux jeux) de ces vieux titres
appartenant désormais à l'histoire, sont à nouveau disponibles
en libre téléchargement… Et c'est bien là qu'est le
malaise : les éditeurs et distributeurs sont
majoritairement contre l'Abandonware, alors que les
développeurs, ceux qui ont créé ces jeux sont généralement
pour… Et comme l'Abandonware connaît un succès
retentissant, sans doute dû à sa gratuité, ces messieurs les
éditeurs voient d'un mauvais œil ce manque à gagner sur des
jeux qui leur appartiennent mais qu'ils avaient délaissés.
Le débat fait rage depuis quelques temps déjà, et il ne semble
pas prêt de s'arrêter.
Les
éditeurs sont contre
La problématique que pose
l'Abandonware est on ne peut plus simple pour les
éditeurs : les programmes qu'ils éditent et ont édité
sont protégés par les lois du copyright. Pour eux, le simple
fait de posséder et de s'échanger des jeux, même abandonnés,
via Internet (sites FTP ou logiciels en Peer-to-peer comme
Napster pour le MP3) constitue une violation du droit de
propriété intellectuelle(1). Car si les jeux ne sont
plus distribués, cela ne signifie pas que les personnes qui
ont permis leur existence (éditeurs comme développeurs)
aient renoncé à leurs droits !"Pour avoir le droit de
télécharger un jeu, même ancien, il faut avoir l'autorisation
de son propriétaire", déclare Doug Lowenstein, président
de l'IDSA, l'agence de protection des programmes informatiques
américaine. Par ailleurs, même si certains titres ne sont plus
distribués, les éditeurs peuvent encore se permettre de les
ressortir sous forme de compilations de "Classiques". Une
méthode souvent pratiquée par Atari, Midway et Namco, plus par
esprit de communication et faire passer le message que ces
firmes sont pionnières dans l'industrie du jeu vidéo, plutôt
que par soucis de rentabiliser encore des jeux qui
n'intéressent plus grand monde.
Il faudra
pourtant bien trouver une solution
Car dans ces compilations,
les joueurs ne sont pas sûrs de trouver les jeux qui les
intéressent, alors que sur le Net, un large choix est à leur
disposition. On peut déjà y voir un nouveau mode de
consommation : "je joue à ce que je veux quand je
veux, il me suffit de télécharger" ! Le problème n°1
pour les éditeurs est d'essayer de décrypter le comportement
des joueurs qui utilisent l'Abandonware afin d'y remédier et
de trouver des solutions. Rejouent-ils par
nostalgie ? Par simple effet de mode ? A
l'occasion de la sortie d'un remake
(Wolfenstein) ? Ou juste pour le plaisir de jouer
gratuit ? D'ailleurs peut-on ponctionner à nouveau un
joueur s'adonnant à des jeux qu'il ne terminera pas ?
Bien souvent, un joueur télécharge un vieux jeu en rom pour
se remémorer le style, une ambiance… ses souvenirs font le
reste. Rares sont les joueurs à terminer des jeux qu'ils
ont déjà fini voici plus de 10 ans !
Des
éditeurs flexibles, d'autres intransigeants
Jason Bell, un responsable
de chez Infogrames USA ne voit pas d'un mauvais œil
l'Abandonware. S'il reconnaît que les droits de propriétés
sont violés, il reconnaît ne pas pouvoir assurer tous les
services que les joueurs sont en droit d'attendre en achetant
un jeu. "Comment assurer le support et la garantie". On
imagine mal un éditeur remettre en place un support technique,
avec une hot line, par exemple, autour d'un jeu qui a plus de
5 ans. Pour Jason Bell, le fléau est principalement le
piratage des jeux récents qui demande infiniment plus
d'énergie et de moyens pour être combattu. Car c'est sur
ce terrain que le manque à gagner est le plus préjudiciable.
Pourtant, Electronic Arts, n'a pas la même souplesse, et il
arrive que le géant américain fasse fermer des sites abritant
des tonnes de roms. Bref, parmi les éditeurs, chacun voit midi
à sa porte, et ça tombe plutôt bien, ça prouve combien le
sujet est complexe. Car les développeurs ont encore un autre
point de vue !
Pour les
développeurs : préserver la culture !
En interrogeant des
développeurs, les créatifs, c'est à dire ceux qui ont eux même
du code de jeu vidéo sur les mains, on obtient un discours
très différent, aux antipodes de celui des éditeurs.
Certains sont alarmistes, comme Frédéric Reynal de feu No
Cliché, qui confiait au micro de GameOne, combien il craignait
de voir certains jeux disparaître !"J'ai les boules !
Les machines et les supports de jadis ne sont plus aussi
fiables quand on en trouve encore ! Je sais que j'ai sans
doute perdu mes premiers programmes sur cassettes. Les bandes
se sont détériorées avec le temps…". Pour Richard
Garriott, alias Lord British, le père des Ultima, la crainte
est identique : "si j'ai le choix entre perdre mes
jeux à tout jamais, et proposer gratuitement en libre
téléchargement mes titres non viables commercialement, je
choisirai la solution la moins pire"… Il avoue même être
flatté que certains joueurs du 21ème siècle s'intéressent
encore à ses premières productions. Enfin, John Hare
(ex-Sensible) abonde également dans ce sens :
"Le jeu vidéo doit être considéré comme un art. Et au même
titre qu'une œuvre, on ne peut pas nous empêcher de regarder
un tableau, ni d'écouter une musique". Mais c'est
justement là que semble se situer la limite : regarder,
écouter, apprécier et jouir d'un bien ne signifie pas qu'il
faille le posséder, surtout si c'est au mépris de la loi…
Pourtant, certains créateurs ont un avis encore moins
réservé. Pour Tim Shafer (Day of the Tentacle, Grim
Fandango), le ton est même à la provocation :
"volez mes jeux et distribuez-les " ! Chris Taylor
(Total Annihilation, Dungeon Siege) est encore plus
catégorique quand il prétend que "s'il possédait encore les
droits pour Total Annihilation, il l'aurait mis directement
dans le domaine public".
L'exemple
Factor 5
Voilà un petit aperçu du
problème que pose l'Abandonware, ce n'est ni plus ni moins que
le vieillissement des jeux vidéo, l'accès à la culture.
Pris en tenaille entre des éditeurs qui ne veulent pas
renoncer à leurs droits, et les revendications des hommes à
l'origine de l'histoire du jeu vidéo, le joueur adepte de
l'Abandonware navigue pour l'instant dans l'illégalité. La
solution pour y remédier consiste peut-être alors à adopter
l'attitude de l'ex-studio allemand Factor 5 (Rogue Leader
sur NGC). Celui-ci met, en effet, à disposition des
internautes qui visitent son URL ses vieux succès
d'antan : Denaris/Katakis, R-Type Amiga, Turrican 1, 2,
3, etc. Comme ça, on peut se faire une idée de leur apport à
cette industrie, sans tomber dans l'illégalité. A noter que
Lankhor a fait de même après avoir déposé son bilan...
L'art que constitue le jeu vidéo est très
particulier : si on peut regarder les photos d'écran
comme on regarde un tableau de maître, écouter ses musiques ou
visionner ses cinématiques, rien ne remplace le fait d'y
jouer. C'est Frédéric Reynal qui le dit :"un vieux jeu
doit se jouer" !
Ivan Dubessy
(1)
rappelons que seule une copie de sauvegarde d'un jeu que l'on
possède en original est autorisée par la loi.
Pour tous ceux que le sujet passionne, nous vous
recommandons de surfer sur www.grospixels.com ou
www.gamepatria.com. Vous y trouverez des sujets en rapport
avec l'histoire du jeu vidéo.
Day of the Tentacle (LucasArts 1993) est
l'un de ces jeux excellents que l'on trouve à la fois en
Abandonware, mais aussi dans des compilations de vieux
classiques éditées par Ubi Soft. La première est gratuite -
mais illégale -, la seconde est payante !
"Nous sommes à 100% pour la diffusion des
anciens titres" nous a récemment déclaré Benjamin Liénard de
feu Lankhor. Rendez-vous sur le site de cet ex-développeur
français (www.lankhor.net) pour (re)découvrir Vroom, Le Manoir
de Mortevielle, Maupiti Island, et bien
d'autres.